1998, 117 représentations
AMBIANCE DE FÊTE
Claude Thébert et Corinna Bille: duo de rêve
Il était une fois un drôle de petit bonhomme qui enchanta un paisible village au son de son violon de verre. Inventé par Corinna Bille, il est incarné depuis plusieurs mois par Claude Thébert. A l’enseigne du Théâtre du Sentier, le comédien promène les belles histoires de l’écrivaine valaisanne par monts et par vaux. Il y a celle du petit garçon pas plus épais qu’une feuille de papier, celle des poupées de maïs, celle des fées marmottes ou celle du coffret sans clé qui renfermait un si tendre histoire d’amour.
Entoré de petites armoires qui s’ouvrent sur des univers miniatures, Claude Thébert raconte. Gourmand, il savoure les mots. Et joue les différents personnages. A l’aide de quelques objets (un photo, une bougie, une boîte à musique) que l’on croirait tout droit sorti du grenier de sa grand-mère, il crée un ambiance de fête. Puis verse dans la nostalgie. Dans le rire ou la tristesse. On se laisse prendre par la main et emmener dans le rêve et la féerie. On se sent à nouveau enfant. On aimerait que le comédien ne s’arrête jamais.
Emmanuelle Ryser, 24 Heures
DISTRIBUTION
Texte de S. Corinna Bille
Mise en scène, costume et accessoires Anne-Marie Delbart – Jeu Claude Thébert – Scénographie et accessoires Gilles Lambert – Administration et production Claude Thébert – Photo © Dorothée Thébert
SI PRÈS DES FÉES, L’ENCHANTEMENT
Il y a dans certains contes de lécrivain valaisan Corinna Bille une mélodie à peine perceptible. On croit qu’elle délivre l’enchantement – et c’est le cas-, on se laisse entraîner sur des chemins alpestres du côté d’Evolène, on prend de la hauteur, on cueille une fraise sauvage… Et voilà que tintinnabule dans le lointain de la vallée le glas de espérances éventées. Le violon de verre, chapelet d’histoires émerveillantes à découvrir dans une mise en scène d’Anne-Marie Delbart, a ce genre de tonalité. Grâce au talent de l’acteur Claude Thébert, un expert en textes solitaires, qui a su trouver dans le foyer de la Comédie à Genève l’esprit du conte, entre malice et humour frappé au sceau de la mélancolie.
Claude Thébert a les yeux émoustillées du faiseur de bonheur et le haut-de-forme cérémonial et magicien, lorsqu’il faufile son corps de marcheur au long cours sur une petite scène drapée de rideaux verts. Autour de lui, cinq bureaux clos attendent de réveler des paysages miniatures, comme autant d’illustrations enfantines. Après Si Dieu était Suisse l’année passée, florilège de vérités désagréables signées Hugo Loetscher, le comédien trace ici des silhouettes venues d’un ailleurs qui nous ressemble: un musicien au violon de verre qui éveille un village endormi et en meurt, un amoureux trop timide qui confie ses lettres d’amour à un coffret que l’aimée découvrira au crépuscule de sa vie, un Narcisse alpestre amoureux d’une fée qui finit par disparaître… Une heure durant, Claude Thébert charme son public: un fondu enchaîné entre deux contes conjure la tristesse, un changement de ton habille un personnage, un silence fait place à un ange… Et le tout donne lieu à un livre des fuites généreux, entre échappée céleste et échec terrestre.
Alexandre Demidoff, La Tribune de Genève
CLAUDE ET SA CORINNA
Spectacle de grande qualité sur les oeuvres de Corinna à Sion
Il a eu le coup de foudre pour Corinna Bille. Depuis lors, il ne cesse de la conter par monts et par vaux avec talent. Le comédien Claude Thébert redonne les mots de l’écrivain avec enthousiasme, sensibilité et justesse. Assister à son spectacle intitulé Le violon de verre est un vrai bonheur. Pendant une heure, l’artiste emmène les spectateurs dans des mondes divers, où la poésie est omniprésente. Il passe avec brio d’un univers enfantin et un mutin à un autre plus grave. «J’apprécie beaucoup cela chez Corinna Bille. On a envie d’entrer dans les mots. C’est si agréable de jouer quand l’écriture est magnifique, aboutie», explique Claude Thébert. Le public ne le contredira pas. Du début à la fin du spectacle, il est là, bien présent, fasciné par la présence du comédien. La mise en scène originale contribue encore à garder les spectateurs en haleine. Anne-Marie Delbart, le metteur en scène, a imaginé pour chaque histoire contée des petits objets kitsch. Ainsi Claude Thébert joue-t-il avec des chalets en bois miniatures, des photographies d’antan, un miniviolon, etc. Au fur et à mesure de la pièce, tout s’anime autour de lui. Il n’est plus seul sur scène. il est entouré d’histoires de vie qu’il raconte si bien. Parfois, le comédien s’amuse avec le public. Le prend à témoin, grâce à son regard bleu vif et pétillant. Il le fait sourire. Puis, l’émeut avec l’histoire de La mort de l’enfant Bernard. «Dans toute existence, on ne sait pas pourquoi, les souffrances se reposent. Pour un temps», commence Claude Thébert. Et raconte le drame. L’enfant traversait la route, comme tous les matins. Mais ce jour-là, il n’a pas vu la voiture qui fonçait sur lui…Le comédien souffle les mots de Corinna Bille lentement. Des instants intenses.
Tout le spectacle est d’une qualité remarquable. Il donne envie de (re)parcourir les livres de Corinna Bille. Claude Thébert en parle si bien. Il est touchant, authentique, brillant.
Christine Savioz, Le Nouvelliste, 2 septembre 1999
UNE PROFONDEUR TOUT EN LÉGÈRETÉ
Francophonies / Le violon de verre, par Claude Thébert, un colporteur d’histoires
Claude Thébert aime colporter les histoires. En Suisse, il sillonne les routes pour aller de village en village jouer et lire les auteurs qu’il aime. Il fit par exemple 65km à pied avec une charrette à bras, pour dire dans 14 lieux différents des pages de Georges Haldas. «Pour moi, les auteurs sont des cadeaux, dit-il. Ce qu’ils m’offrent j’ai envie de le rendre.»
Après Limoges, il partira donc ici et là en Limousin pour faire découvrir, avec Le violon de verre, un grand auteur de la littérature romande, Corinna Bille. Elle reçut notamment le Prix Goncourt de la nouvelle pour La demoiselle sauvage en 1974.
Dans son spectacle, Claude Thébert veut rendre compte «de la sensualité d’une écriture venue des Alpes valaisannes, qui sont à la fois vaporeuses et dures.» Le Valais était la région de Corinna Bille.
«Dénicher la beauté de la vie»
«Dans mon travail, j’essaie toujours de retrouver le regard de l’enfance, explique Claude Thébert. Pour moi, ce qui est important c’est de faire ressortir une joie même si on doit parfois aller la chercher très loin dans les larmes ou la colère. Il me faut dénicher la beauté de cette vie malgré sa dureté, que je ne veux pourtant pas occulter.» D’aillerus les thèmes récurrents de Corinna Bille sont l’amour, la passion mais aussi la mort.
Aussi cet artiste s’attache-t-il à créer des spectacles dont la profondeur se donne avec une certaine légèreté. Si Le violon de verre est un spectacle très nostalgique, il raconte aussi l’histoire d’un violoniste qui, de passage dans un village, va le transformer en offrant son art. Elle a été imaginée essentiellement à partir d’extrait de de Corinna Bille mais aussi de ses poèmes.
De spectacle en spectacle, de village en village, le souci de Claude Thébert est donc d’apporter une forme de bonheur aux gens, bonheur des textes, bonheur de ce saltimbanque qui ne fait que passer, en apportant son brin de poésie.
Contrairement aux apparences, ce comédien n’a rien d’un solitaire. Il fit longtemps partie de la troupe du Théâtre Populaire Romand et il continue à jouer dans d’importantes productions en Suisse, en Belgique et en France.
Quand on lui parle de théâtre «populaire» justement, il répond: «Je fais partie de cette génération qui a cru qu’on pouvait participer à la transformation du monde par la culture.» De ce temps, dont il pense qu’il a disparu, il a conservé l’irréductible envie d’aller toucher les gens là où ils sont et dans des lieux qui leur appartiennent, salles des fêtes ou places publiques…
Muriel Mingau, Le populaire du centre, 3 octobre 2005